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7 avril 2007

Matinée parisienne

Je sors de la Fnac des Halles, la carte bleue encore brûlante et un grand sac plein de livres pendu à mon bras. Il est 11h30. J'ai encore du temps. Une bonne heure et des poussières. Je décide de rentabiliser ma carte orange. Direction St Michel, ligne 4. Tout se mélange, les nationalités, les couleurs, les formes, les odeurs. C'est comme si le parvis de Notre Dame était devenu le point de rendez-vous de la Terre entière. Je me mêle à cette foule puis je me laisse porter jusqu'à place St Michel, je continue par la rue Saint André des arts et je retrouve ce fameux MK2 Hautefeuille. Je débouche sur le boulevard Saint Germain pour récupérer la place de la Sorbonne. Je croise un groupe d'étudiants, la pochette à la main, l'air détaché, la démarche fière. Libres. Je m'assois près des petites fontaines, vous voyez, près des deux cafés. Le soleil tape de plus en plus et quand certains arborent déjà leur marcel fétiche d'autres dégainent les lunettes de soleil H&M. J'enlève ma veste et je m'installe doucement au bord de la fontaine.

Il y a ce petit couple dépareillé. Elle, Dior jusqu'au bout des ongles. Lui, ridé jusqu'au bout pieds. Elle prend la pose, ravissante à vomir. Les sunglasses XXL sur le nez et le petit sac en peau d'écureuil assorti aux talons aiguilles vernis de chez PétassLand. Le brushing est parfait et la manucure remarquable. Elle se cambre un peu, juste assez pour que son dessous rouge à dentelles sorte de quelques centimêtres de son mini short transparent, découvrant au passage des jambes interminables soignées péniblement aux UV deux fois par semaine rue de Rivoli. Il porte un complet beige un peu miteux et des lunettes rondes sur le bout de son nez trop long. Il a le double.. non! le triple. Il a le triple de son âge mais ils s'en foutent. Surtout lui. Il ne lache pas son bras et la présente fièrement aux yeux de tous. Elle est roumaine. Ou ukrainienne. A vrai dire, il ne sait plus. Un pays de l'Est, je suppose. Ils s'aiment. Surtout lui. Il aime son accent, ses jambes, son rire, sa peau, sa futilité. Elle aime les cheveux qu'il n'a plus, ses rides au coin des lèvres, la façon dont il la regarde. Son argent. Sa facilité. Ils sont un peu pathétiques ces deux là.  Mais ils se sont bien trouvés, quelles qu'en soient les raisons et quel que soit le jugement que l'on porte sur eux. Ils s'en foutent, ils sont ensemble et c'est tout ce qui compte.

Il y a ce musicien aux six cordes. Les doigts usés de gratter, les fringues usées de ramper. Il joue comme il respire. Il joue parce qu'il ne sait faire que ça et qu'il n'a que ça à faire. Il joue des heures entières pour les passants, pour les mamans et les petites filles qui font tourner leur jupe au gré des notes. Il pince ses cordes jusqu'à se brûler les paumes, jusqu'à faire saigner ses doigts. Il oublie sa misère et sa faim. Il oublie ses cheveux sales et ses ongles noirs. Il oublie son passé, il oublie de s'aimer. Il gratte comme j'écris ces lignes, comme s'il ne lui restait plus que ça. Il gratte parce qu'il ne lui reste plus que ça. Sa vieille guitare a fait la rue, la grèle, les coups. Il joue pour rester vivant, pour vibrer encore un peu, pour trembler encore une fois. Il joue pour les mamies, pour les touristes, pour les naifs. Il venait là tous les jours, le musicien. Il s'asseyait en face des deux cafés, juste là. Il avait le regard bleu et les poches vides. Il jouait pour moi aujourd'hui. Il jouait pour moi parce que je lui ressemblais. Un peu trop.

Candice, un matin d'Avril à Paris..

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