Prends ma main
"L'amour n'existe pas."
Il a lâché ça comme ça, comme s'il énoncait la formule du binôme de Newton. C'est avec toute l'assurance d'un mathématicien avisé qu'il brandit son théorème. Sa phrase tomba comme un cheveu sur la soupe, comme une âpre formule de maths sur un cours de philosophie. Quelle tristesse. Quelle tristesse de voir ce jeune homme d'à peine 18 ans s'imaginer avoir assez vécu pour nous révéler cette terrible vérité. Elle résonna dans la salle comme la cloche qui signe la fin de la récré. Un genre d'apocalypse prématurée, l'impression soudaine que rien n'a plus de sens, que l'ordre du monde s'écroule. L'amour n'existe pas, dit-il.
Un jour, un sage m'a demandé : Comment savoir si on aime ? Je n'ai pas répondu, ou vaguement. A bien y penser, on ne peut pas donner une stricte définition de l'amour. Ce serait l'enfermer, le figer, l'étouffer. L'amour n'a pas de règles, l'amour n'a pas de limites. L'amour est passionnel, éphémère, éternel, fusionnel, transportant, violent. L'amour est ce rien qui fait ce tout. L'amour est cet absolu qui élève, qui relève, qui détruit. On aime quelqu'un parce qu'il n'est pas un autre. On aime parce qu'on ne le choisit pas, parce que ça nous tombe dessus, comme une pomme sur la tête d'un physicien. On aime parce que le hasard existe, parce qu'on est tombé dans la marmite. L'amour est cette rude tendresse qui réunit des corps qui n'ont rien demandé. Aimer ce sont ces papillons dans le ventre, ces mains qui tremblent, ces yeux qui envient. Cette attente toujours trop longue. Aimer c'est ne pas savoir pourquoi, c'est accepter sa faiblesse et tenter d'en faire sa plus grande force. On ne se pose pas la question de savoir si on aime. On le ressent. Aimer c'est savoir pourquoi on vit. Aimer c'est donner du sens.
J'ai envie de donner un sens. A quand ma chance ?
Bientôt, ce jour.. Plus il approche, plus il me parait loin.