I'm outta time
Il est tard. Peut-être tôt. Je préfère ne pas savoir. De toute façon, tout ça revient toujours au même. Et je compte les semaines. Se lever chaque matin, poser ses fesses dans un amphi déserté, prendre des notes. Essayer de prendre des notes. Ne pas les relire. C’est ça le problème. Ne pas savoir ce qu’on fout là, se demander à quoi ça rime. Se dire que ça ne nous ressemble pas, que ça ne nous ressemblera jamais. C’est ça le problème, oui. Etre arrivée en dernière année de licence par hasard, en ayant passé les étapes. Juste parce qu’il fallait le faire. C’est comme un conflit interne. C’est l’obligation qui vient dégommer l’aspiration. Fallait le voir venir. C’était quand même évitable, non ? C’est un sentiment perpétuel de non-réalisation de soi. Un truc du genre, vous voyez. Je suis naze en termes techniques, mais voilà l’idée. En gros. Puisque la vie ce n’est jamais qu’ « en gros », au fond. On se donne une ligne directrice et on trace. Comme des connards. Ouais… le rétro quoi ! Le rétro… Tout ce qu’on s’était dit quand on était gamins, tout ce qu’on attendait de la vie. Quand on était premier de la classe et que tout était facile. Quand il suffisait de pleurer dans les jupes de maman pour que tout s’arrange dans les dix minutes. C’était bien.
Je me lève chaque matin en comptant combien de matins il reste avant Noël. Je me lève chaque lundi en attendant vendredi, en me demandant où je vais. C’est pas ce que je suis censée faire. Ca n’a pas de sens pour moi, dans ma vie, la mienne. Ca me correspond tellement mal. J’ai le sentiment qu’il y a autre chose pour moi. Que je pourrais faire mieux, que je devrais faire mieux. Surtout. Créer, partir, réinventer. Sans oublier le reste, comme un morceau que l'on n'a plus écouté depuis un an. Qui revient au mauvais moment, en mode aléatoire. Quand on en avait le moins besoin. Ou le contraire. Sûrement le contraire, en fait. Ca donne une raison. Pour les yeux rouges, vous savez... Vous savez pas hein.
Je compte les nuits, je compte les jours. Parfois je compte les heures. Plus que… Et puis ça y est. Les cheveux en bataille et les yeux un peu perdus. Tes mains sur mon visage et la chaleur de ton corps. Tu es là. Tout ça prend un sens. Sur un quai de gare.
Et j’y reviens toujours. Le quai d’une gare, une transition obligatoire mais choisie. Le départ. Le bon train. Si quelqu’un aperçoit le mien…